Des données nécessaires pour mieux comprendre la portée des incubateurs

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SOURCE :
Eugénie Emond (Collaboration spéciale)
Terre de chez nous

Article original

(photo : Eugénie Emond)

QUÉBEC – Le jeune Réseau Racines, rassemblant une dizaine d’incubateurs d’entreprises agricoles du Québec, s’est réuni le 19 mars, à l’Université Laval. Cette rencontre a été l’occasion de mettre en lumière la recherche existante sur ces structures mises en place pour accompagner la relève dans le démarrage d’un projet agricole, que ce soit en facilitant l’accès à la terre ou aux outils agricoles.

« Le fait qu’une entreprise passe par un parcours d’incubation augmente drastiquement sa chance de réussite », note Fanny Delisle, membre du conseil d’administration du Réseau Racines et elle-même gestionnaire d’entreprises agricoles en Montérégie. Elle a aussi démarré un projet de ruralité collaborative et s’est vite rendu compte du vide entourant les travaux de recherche sur la performance des incubateurs agricoles.

« Étant une grande gourmande, je fréquentais beaucoup les marchés et je voyais beaucoup de petites entreprises naître et beaucoup mourir », résume Mme Delisle. « Je me demandais pourquoi on n’arrive pas à dépasser une certaine barre. La barre des cinq ans se passe souvent très, très mal », ajoute-t-elle.

C’est dans le cadre d’un MBA pour cadres (executive master of business administration) qu’elle a entrepris une étude pour laquelle elle a pu rencontrer une vingtaine de structures d’accompagnement destinées à créer de nouvelles entreprises agricoles.  Parmi les défis soulevés : la grandeur du territoire québécois.

 La plupart des gens sont à une heure de route de ces incubateurs-là. Alors même si on parle de couverture régionale, la mission des incubateurs n’arrive pas nécessairement avec autant d’efficacité. 

Fanny Delisle

Ce lien avec le territoire est d’ailleurs l’essence même des incubateurs, qui se distinguent d’un modèle agricole plus productiviste. C’est ce qui se dégage des travaux de Maxime Lelièvre, dont le projet de recherche s’est intéressé au déploiement de neuf incubateurs d’entreprises agricoles québécois. « Les retombées [d’un incubateur] sont pour le territoire et non pour une consommation autre à l’extérieur du territoire », souligne-t-il. Les entreprises agricoles qui bénéficient de la présence d’un incubateur se consacrent ainsi souvent à une agriculture de proximité, ce qui les distingue du modèle agricole conventionnel.

La santé mentale, un enjeu d’importance

Malgré le vaste territoire qu’ils desservent, les incubateurs ont l’avantage d’offrir aux jeunes entrepreneurs des occasions de réseauter et de se sentir moins seuls face aux importants défis qu’ils doivent relever quotidiennement. « Quand l’incubateur ou la structure d’accompagnement est permanente sur un lieu, ça fait en sorte que les gens se rencontrent et peuvent se soutenir les uns les autres », note Fanny Delisle. 

Cette dernière a été surprise de constater à quel point le soutien à la santé mentale est une préoccupation importante pour tous les participants, d’où l’importance de faire connaître les ressources d’aide qui existent déjà sur les territoires desservis par un incubateur.  « Le travail d’agriculteur ne peut plus être ce qu’il était. Travailler jusqu’à tant que tu meures ne tient plus », résume-t-elle. « Les gens aspirent quand même à un niveau de vie et un niveau de confort qui est différent d’autrefois et il faut le considérer de façon importante dans le projet, sinon le projet tombe », ajoute Mme Delisle.

Des incubateurs en manque de visibilité

Il reste encore beaucoup à faire pour faire connaître les initiatives qui existent déjà sur le territoire, que ce soit en matière de soutien à la santé mentale ou d’aide aux entreprises agricoles en démarrage. Malik Thiaw, étudiant-chercheur à la maîtrise en agroéconomie à l’Université Laval a pu constater à quel point une meilleure visibilité pourrait donner un coup de pouce aux incubateurs pour se faire connaître et intéresser davantage de futurs entrepreneurs à tenter l’agriculture. « En France, les structures sont largement connues du grand public, contrairement à ici », soutient-il.

Malgré tout, les incubateurs d’ici font leur chemin. C’est d’ailleurs grâce à leur présence que Sara Jarnier, une participante à l’atelier offert en après-midi, s’est installée non loin de Victoriaville quand est venu le temps de s’acheter une terre. « Il y a énormément d’initiatives sur le territoire d’Arthabaska, comme le [Centre d’innovation sociale en agriculture], et leur présence a sûrement contribué au choix de l’emplacement de la terre que j’ai achetée », avance-t-elle. « Ça n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu le premier levier – l’incubateur –, mais aussi toute la dynamique super motivante sur le territoire », souligne-t-elle.  

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